dimanche 24 février 2008

Bienvenue à Juronsville !

Au Québec, nous avons coutume de jurer en référence à l’Église, donc de «sacrer». Hostie, tabernacle, ciboire, Christ, calice, sont tous de vrais mots, des mots sacrés qui, déformés par l’usage, sont devenus de sacrés mots : les ostie, tabarnak, ciboire, crisse et câlisse font effectivement partie de notre paysage sonore quotidien, fusant de toutes les bouches, dans toutes les situations. Nous sommes bien les seuls à jargonner avec les mots saints d’ailleurs, parce qu’en France, par exemple, ainsi qu’aux États-Unis, c’est par rapport au sexe (ne pensons qu’au «putain» français ou «fuck» anglophone). Oh, il y a bien certains anglophones pour éructer parfois un «Jesus-Christ» bien senti par ci, par là, mais ce n’est pas systématique comme au Québec. La théorie la plus communément acceptée est que les Québécois se sont mis à sacrer pour se rebeller, à leur manière, contre l’autorité catholique qui les a si longtemps contrôlés, voire étouffés. En cela nous sommes encore une fois, il faut bien le dire, une société distincte.
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Si certaines personnes font un usage parcimonieux du sacre, en le plaçant judicieusement pour bien souligner un propos ou un autre, d’autres ont le chic pour réinventer le sacre : je connais quelqu’un, par exemple, qui, quand il est vraiment très fâché, lâche un tonitruant «Sainte-Anne a un gros cul !» ou encore un joyeusement vulgaire «Maudit prêtre en bicycle pas d’banc !». D’autres, enfin, sans vraiment mesurer tout l’aspect historique et religieux des mots qu’ils emploient pour pimenter leur conversation, sacrent comme ils respirent. Loin de moi l’idée de m’en vanter, mais je fais, à mon grand dam, partie de cette dernière catégorie.
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Combien de fois ne m’a-t-on pas dit, gentiment ou non, que c’est pas beau, une fille qui sacre ? Le pire, c’est que je suis tout à fait d’accord : c’pas beau, une fille qui sacre. D’où mon sincère désir de cesser de sacrer. J’essaie, j’essaie, mais je ne fais pas exprès, les gros mots sortent tout seul de ma bouche. Et puis c’est con, j’ai comme l’impression que mon message porte moins s’il n’est pas appuyé de quelques sacres bien gras. Avouez que «Y fait frette en câlibine de crime» fesse pas mal moins que «Y fait frette en saint-ciboire de tabarnak !». J’ai beau me creuser les méninges, je ne trouve pas de jurons qui me satisfassent autant qu’un bon gros sacre bien sale. Mais comme je suis réellement décidée à chasser le sacre de mon vocabulaire (bien que je me doute qu’il n’en sera jamais vraiment éradiqué), voici mes options de jurons : sainte-gougoune, simone, tôrrieu, fudge et le toujours sexy câlique. Et, en cas extrême de non-contrôle des sacres écrits, je mettrai à profit le très utile soulignement barré, qui permet de sacrer en crisse d’ostie de ciboire sans que ça ne paraisse trop. Souhaitez-moi bon courage !