Visite de Vieil Ami (ou petites vacheries sur l'industrie de la musique d'ici)
Hier au soir. On s'était pas vus depuis mon départ vers Mourial, il y a presqu'exactement six ans. Dans ma chambre/salon/bureau, on ne s'étouffe guère dans le choix des sièges: c'est le fauteuil gris démantibulé par les griffes de minounes, la chaise, ou le lit en guise de divan. On s'est donc évachés sur le lit, mettant oreillers et coussins à profit. Vieil Ami se relève aussitôt assis.
LUI: Musique ?
Je lui pointe du doigt le deuxième tiroir du chiffonnier, qu'il ouvre lentement, découvrant que ma discothèque a bien changé depuis la dernière fois qu'on s'est vus.
J'éclate de rire devant sa simili crise d'apoplexie.
LUI: Aye Caramba ! Les pourfendeurs de MP3 en prendraient pour leur rhume !
Haussement d'épaule de ma part.
LUI: Voyons, Caro, la copie, c'pas beau !
MOI: Eille, pars-moi pas là-dessus, toi !
LUI: Quoi ? Les artistes arrêtent pas de dire que c'est du vol, t'as pas l'impression de leur nuire en copiant leur musique ?
MOI: D'abord, y'a au moins la moitié des disques copiés là-dedans qui sont des copies de disques que j'avais déjà achetés, et que j'ai dû vendre.
Vieil Ami hausse un sourcil, posant silencieusement une question que j'ignore sciemment.
MOI: Ensuite, si je copiais pas la musique, j'en aurais pas, parce que j'ai juste pas les moyens d'en acheter, d'la musique, fait que je ne nuis pas à grand monde, hein ?
LUI: Ouin mais ceux qui ont les moyens pis qui piratent pareil ?
MOI: Les autres, font ben c'qu'y veulent, chuis pas responsable de leurs choix...
LUI: N'empêche. Y'a sûrement des carrières qui vont moins bien à cause de ça...
MOI: J'm'excuse ben pardon !
LUI: Uh ?
MOI: Les Cowboys Fringants, quand sont arrivés en France, la crowd savait leurs tounes par coeur ! C'est sûrement pas parce qu'y'avaient acheté leurs disques, hein ? C'est grâce à internet, batêche !
LUI: Ouin...
MOI: Ouin certain ! Si les ti-zamis français avaient pas downloadé leurs tounes, jamais les Cowboys Fringants auraient vendu autant de billets dans l'Hexagone !
LUI: C'est sûr.
MOI: Pis combien tu gages qu'ils en ont vendu des disques, après ?
LUI: Probablement plus qu'autrement.
MOI: You bet ! Moi j'ai découvert plein d'artistes dont j'ai bien l'intention d'acheter les disques, et les billets de concert, peut-être, aussi, quand j'en aurai les moyens...
Vieil Ami hoche la tête, et finit par arrêter son choix; il dépose un disque dans le lecteur, et bientôt la guitare si caractéristique de Daniel Lanois emplit chaudement la pièce. Vieil Ami affiche un sourire satisfait et revient s'évacher à mes côtés.
LUI: Pour te dire franchement, y'a quand même quelque chose qui me gosse...
MOI: Hum ?
LUI: J'ai vu l'autre fois une liste des subventions qui ont été données aux artistes québécois...
MOI: Hum...
LUI: J'nommerai pas de noms parce que j'veux pas bitcher, là, mais...
MOI: Mais ?
LUI: J'ai eu beaucoup de mal à admettre qu'on donne 45 000$ de deniers publics à des pas bons notoires !
MOI: Ah ! Des noms des noms des noms ! (sur l'air de "Des toasts des toasts des toasts !")
LUI: Non ! T'as juste à t'imaginer c'qu'y'a de plus mauvais dans la musique québécoise...
MOI: C'pas l'choix qui manque...
LUI: Langue sale !
MOI: Yep !
LUI: Anyway, c'est pas les noms qui comptent, c'est le fait que toé pis moé pis toute la collectivité, on l'a payé l'ostie d'disque platte !
MOI: Han han... pis même si yé bon, le disque, on l'a payé pareil !
LUI: C'est ça ! Fait que de les voir me regarder de haut pis quasiment me traiter de voleur, j'sais pas, ça m'écoeure un ti-peu, surtout qu'on se demande c'est qui, le voleur...
MOI: Ben voilàààà !
Silence offusqué de part et d'autre.
LUI: J'm'ennuie du bon temps des 45 tours...
MOI: Oh oui, même des p'tites cassettes avec deux tounes, t'en souviens-tu ?
LUI: Ouaiiiiis ! On n'était pas obligés de se taper tout un disque juste pour une toune !
MOI: Ça me fait penser...
Je me lève, me dirige vers mon bureau, saisis le calepin jaune où j'inscris mes citations préférées, je cherche celle qui m'intéresse...
MOI: Tiens, écoute, l'opinion d'un écriveur de chanson.
LUI: Qui ça ?
MOI: Christian Mistral.
LUI: Oh !
MOI: "Un lecteur veut savoir ce que je pense de l'aisance avec laquelle on peut se procurer gratuitement des chansons sur Internet (en particulier les miennes !). Réponse: je pirate à tour de bras. Je fauche, détourne, kidnappe et vole, j'emprunte et je m'approprie sans l'ombre du sourcil d'un cas de conscience toutes les tounes qui me font envie. Quant aux miennes, mes chèques de droits d'auteur n'ont pas diminué, tout au contraire, et si les gens piquent ma musique, c'est qu'elle est déjà très populaire. L'industrie du disque est une honteuse salope qui vous vend vingt fois trop cher quatorze chansons dont vous n'avez rien à branler autour d'une seule qui vous allume."
LUI: Ouch !
MOI: Mezan ! Fait que la morale de cette histoire, c'est que le talent s'impose de lui-même !
LUI: Ouin... 'garde Jacques Villeneuve, y'a même pas vendu 300 copies de son disque !
MOI: Remarque, les goûts sont dans la nature et ne sont théoriquement pas à discuter, y'a plein de monde qui trouve que Marie-Élaine Thibert et Boom Desjardins ont du talent !
LUI: Eille, la bitch !
MOI: Oups !
Mon air faussement contrit ne trompa pas Vieil Ami, et nous avons trinqué de nos bouteilles d'eau à la santé de la musique québécoise.
Tchin !
LUI: Musique ?
Je lui pointe du doigt le deuxième tiroir du chiffonnier, qu'il ouvre lentement, découvrant que ma discothèque a bien changé depuis la dernière fois qu'on s'est vus.
J'éclate de rire devant sa simili crise d'apoplexie.
LUI: Aye Caramba ! Les pourfendeurs de MP3 en prendraient pour leur rhume !
Haussement d'épaule de ma part.
LUI: Voyons, Caro, la copie, c'pas beau !
MOI: Eille, pars-moi pas là-dessus, toi !
LUI: Quoi ? Les artistes arrêtent pas de dire que c'est du vol, t'as pas l'impression de leur nuire en copiant leur musique ?
MOI: D'abord, y'a au moins la moitié des disques copiés là-dedans qui sont des copies de disques que j'avais déjà achetés, et que j'ai dû vendre.
Vieil Ami hausse un sourcil, posant silencieusement une question que j'ignore sciemment.
MOI: Ensuite, si je copiais pas la musique, j'en aurais pas, parce que j'ai juste pas les moyens d'en acheter, d'la musique, fait que je ne nuis pas à grand monde, hein ?
LUI: Ouin mais ceux qui ont les moyens pis qui piratent pareil ?
MOI: Les autres, font ben c'qu'y veulent, chuis pas responsable de leurs choix...
LUI: N'empêche. Y'a sûrement des carrières qui vont moins bien à cause de ça...
MOI: J'm'excuse ben pardon !
LUI: Uh ?
MOI: Les Cowboys Fringants, quand sont arrivés en France, la crowd savait leurs tounes par coeur ! C'est sûrement pas parce qu'y'avaient acheté leurs disques, hein ? C'est grâce à internet, batêche !
LUI: Ouin...
MOI: Ouin certain ! Si les ti-zamis français avaient pas downloadé leurs tounes, jamais les Cowboys Fringants auraient vendu autant de billets dans l'Hexagone !
LUI: C'est sûr.
MOI: Pis combien tu gages qu'ils en ont vendu des disques, après ?
LUI: Probablement plus qu'autrement.
MOI: You bet ! Moi j'ai découvert plein d'artistes dont j'ai bien l'intention d'acheter les disques, et les billets de concert, peut-être, aussi, quand j'en aurai les moyens...
Vieil Ami hoche la tête, et finit par arrêter son choix; il dépose un disque dans le lecteur, et bientôt la guitare si caractéristique de Daniel Lanois emplit chaudement la pièce. Vieil Ami affiche un sourire satisfait et revient s'évacher à mes côtés.
LUI: Pour te dire franchement, y'a quand même quelque chose qui me gosse...
MOI: Hum ?
LUI: J'ai vu l'autre fois une liste des subventions qui ont été données aux artistes québécois...
MOI: Hum...
LUI: J'nommerai pas de noms parce que j'veux pas bitcher, là, mais...
MOI: Mais ?
LUI: J'ai eu beaucoup de mal à admettre qu'on donne 45 000$ de deniers publics à des pas bons notoires !
MOI: Ah ! Des noms des noms des noms ! (sur l'air de "Des toasts des toasts des toasts !")
LUI: Non ! T'as juste à t'imaginer c'qu'y'a de plus mauvais dans la musique québécoise...
MOI: C'pas l'choix qui manque...
LUI: Langue sale !
MOI: Yep !
LUI: Anyway, c'est pas les noms qui comptent, c'est le fait que toé pis moé pis toute la collectivité, on l'a payé l'ostie d'disque platte !
MOI: Han han... pis même si yé bon, le disque, on l'a payé pareil !
LUI: C'est ça ! Fait que de les voir me regarder de haut pis quasiment me traiter de voleur, j'sais pas, ça m'écoeure un ti-peu, surtout qu'on se demande c'est qui, le voleur...
MOI: Ben voilàààà !
Silence offusqué de part et d'autre.
LUI: J'm'ennuie du bon temps des 45 tours...
MOI: Oh oui, même des p'tites cassettes avec deux tounes, t'en souviens-tu ?
LUI: Ouaiiiiis ! On n'était pas obligés de se taper tout un disque juste pour une toune !
MOI: Ça me fait penser...
Je me lève, me dirige vers mon bureau, saisis le calepin jaune où j'inscris mes citations préférées, je cherche celle qui m'intéresse...
MOI: Tiens, écoute, l'opinion d'un écriveur de chanson.
LUI: Qui ça ?
MOI: Christian Mistral.
LUI: Oh !
MOI: "Un lecteur veut savoir ce que je pense de l'aisance avec laquelle on peut se procurer gratuitement des chansons sur Internet (en particulier les miennes !). Réponse: je pirate à tour de bras. Je fauche, détourne, kidnappe et vole, j'emprunte et je m'approprie sans l'ombre du sourcil d'un cas de conscience toutes les tounes qui me font envie. Quant aux miennes, mes chèques de droits d'auteur n'ont pas diminué, tout au contraire, et si les gens piquent ma musique, c'est qu'elle est déjà très populaire. L'industrie du disque est une honteuse salope qui vous vend vingt fois trop cher quatorze chansons dont vous n'avez rien à branler autour d'une seule qui vous allume."
LUI: Ouch !
MOI: Mezan ! Fait que la morale de cette histoire, c'est que le talent s'impose de lui-même !
LUI: Ouin... 'garde Jacques Villeneuve, y'a même pas vendu 300 copies de son disque !
MOI: Remarque, les goûts sont dans la nature et ne sont théoriquement pas à discuter, y'a plein de monde qui trouve que Marie-Élaine Thibert et Boom Desjardins ont du talent !
LUI: Eille, la bitch !
MOI: Oups !
Mon air faussement contrit ne trompa pas Vieil Ami, et nous avons trinqué de nos bouteilles d'eau à la santé de la musique québécoise.
Tchin !