samedi 15 novembre 2008

Bedaine Power

mon billet est en partie inspiré de ce billet

Note 1 : Mamans en puissance, ne montez pas sur vos grands chevaux. Je trouve votre œuvre admirable, et repeupler le Québec est une bonne cause.
Note 2 : J’adore les enfants, et ceux qui m’ont vu avec des ont pu constater que c’est réciproque.

Quand j’ai su que mon cousin s’était fait une nouvelle blonde, j’étais contente pour lui. Et quand j’ai su que la dite nouvelle blonde était une petite copine d’enfance avec qui j’avais passé ma cinquième année, j’ai trouvé que le monde était p’tit et j’ai eu hâte de la revoir. Quelques mois plus tard, rassemblée autour d’une piscine par une belle journée d’été, une partie de la famille maternelle a eu l’occasion de faire connaissance avec la nouvelle blonde du cousin, et moi l’occasion de la revoir après plus de vingt-cinq ans. Après accolade et becs d’usage, la première question de la nouvelle blonde du cousin fut : "Pis, combien t’as eu d’enfants ?" "J’en ai pas, juste un chat, ah ah !", lui répondis-je, à la blague. Là, à mon grand étonnement, elle se revire de bord, me tourne carrément l’dos et se met à parler avec quelqu’un d’autre. Mes yeux s’agrandissent, ma bouche s’arrondit, je suis comme qui dirait stupéfaite. Ma mère et moi échangeons un regard plein d’interrogation, et puis nous haussons les épaules à l’unisson. Je savais déjà que la nouvelle blonde du cousin avait enfanté quatre fois de deux pères différents, et voilà que j’apprenais avec un certain fracas qu’elle faisait partie de la grandissante secte Bedaine Power... Fuck. Considérablement refroidie par son étrange attitude, et légèrement écœurée de sa verbomotricité soutenue d’une voix aigüe, je me suis retranchée dans un de mes modes préférés : l’observation participante. J’ai pu, durant l’heure et demie qui suivit, détailler à loisir cette engeance de Speedy Gonzales qui me stressait par sa seule présence électrifiée. Je cherchais en vain ce qui avait pu me plaire chez cette fille il y a vingt-cinq ans… Bref, quand, au milieu du repas, elle a daigné poser son ô si dynamique regard sur moi, j’ai lancé la discussion sur nos vieilles connaissances d’enfance… ah, la maudite pas bonne idée !
Elle : "Eille, j’ai revu une telle, la semaine passée, elle a trois enfants !
Moi : Ah ! Moi j’ai croisé une telle autre chez Provigo, elle avait l’air en pleine forme !
Elle : Elle a combien d’enfants ?
Moi : Euh…
Elle : J’ai vu une autre pis sa sœur, l’autre jour, elles ont huit enfants à elles deux ! Pis tu t’souviens-tu de Machin ? Elle a eu des triplés !
Moi : …"
Devant mon peu d’enthousiasme à délirer sur la maternité de nos consœurs d’école primaire, la nouvelle blonde du cousin a de nouveau tourné la tête pour parler à quelqu’un d’autre.
Bon.
Là, un peu fâchée, dans ma tête, ça a fait :
"Coudon, toé chose, t’as-tu l’impression que ma vie a moins de valeur que la tienne parce tu nous a chié quatre marmots pis que moi j’en ai pas ???"
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Toute femme qui ne se reproduit pas n’est pas une vraie femme, c’est ça ? D’une certaine manière, c’est vrai. Ne serait-ce qu’au niveau biologique, la femme est construite pour enfanter, et c’est, dans l’absolu, son rôle pour perpétuer l’espèce. Fine. Mais de tout temps, des femmes ont refusé cette dictature de l’utérus. Longtemps elles n’ont eu d’autres choix que la religion pour éviter un sort dont elles ne voulaient pas, pour une raison ou pour une autre. De nos jours, Dieu merci, nous avons le droit de dire non sans autre forme de procès. Quoique…
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Demandez à n’importe quelle trentenaire sans enfants si elle ne sent pas une petite pression sociale, et vous allez voir… Si vous êtes game, demandez-lui donc pourquoi elle ne veut pas d’enfants.
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Et moi, pourquoi je ne veux pas d’enfants ? Disons d’abord que j’en voulais, que j’en aurais voulu, quand j’étais jeune. Et que si j’avais croisé l’homme avec qui j’aurais eu l’goût de bâtir une famille, j’en aurais probablement eu, des kids. Cela dit, aujourd’hui, nombreuses sont les raisons qui me font dire non : d’abord, je suis beauuuuuucoup trop parano pour enfanter. Je serais du genre à aller le reconduire à l’école en le tenant par la main jusqu’à ses dix-huit ans, minimum. Et chaque fois que mon kid ne serait pas à proximité, je passerais mon temps à me demander s’il n’est pas en train de se faire essayer par un pédophile, ou en train de jouer à un débile jeu vidéo abrutissant, ou encore toutes les atrocités que vous pourriez mettre ici en lieu et place de synonyme.
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Et puis à 36 ans, je trouve ça trop vieux pour être maman, sans compter que je n’ai toujours pas croisé celui qui me titillerait suffisamment les ovaires pour me faire changer d’idée… Non.
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Et puis, oh… je ne fais que penser à l’école pour défriser sur le champ : des mémos de professeurs émaillés de fautes, des méthodes d’enseignement parfois douteuses, des bulletins à rendre fou n’importe qui… Non.
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Et puis, juste à penser à l’idée d’avoir un enfant handicapé, ça me gèle illico les trompes de Fallope… comme la lecture de cet article, d’ailleurs. Aussi, je suis contre cet acharnement sur les bébés prématurés, c’est inhumain. Je serais du genre à faire signer un papier à mon médecin pour lui interdire toute forme de maintien de la vie artificiel sur un prématuré. Tous, et je dis bien tous les enfants fortement prématurés sont handicapés d’une manière ou d’une autre, ils n’ont carrément pas de vie. Et que dire des parents…
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Et puis, je suis égoïste, aussi : ça m’tente pas, moi, surtout à mon âge avancé, de me lever 15 fois par nuit, de changer des couches puantes, d’avoir les seins comme des montgolfières dégonflées une fois leur contrat effectué. Ça m’tente pas de tout donner à quelqu’un qui va m’envoyer chier à la puberté. Et juste à penser que je pourrais donner naissance à une fille qui risque de me faire vivre ne serait-ce que la moitié de ce que j’ai fait vivre à mes parents à l’adolescence… Non.
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Et puis, et puis… je vois tellement de gens qui n’auraient pas dû en avoir, d’enfants ! Tellement de parents incompétents, insouciants, inconscients, irresponsables, sans cœur… Tellement de parents qui se débarrassent de leurs enfants chez leurs propres parents parce qu’ils sont trop encombrants, tellement d’exemples flagrants que je vais cesser l’énumération maintenant.
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Non non non. Je ne veux pas d’enfants. Bon. Et ça me gosse qu’on me le reproche, subtilement ou pas. Ça m’insulte qu’on me regarde de haut parce que j’ai sciemment choisi de m’abstenir. Ça me fait chier qu’on pense que ma vie est incomplète parce que je n’ai pas enfanté. Arrêtez, mères de l’univers, de vous imaginer que vous avez le Bedaine Power et que vous êtes meilleures que nous, les inhabitées. C’est votre choix, tant mieux si ça vous rend heureuses, que ça vous comble, et que vous vous réalisez dans la maternité. Je trouve ça merveilleux, vraiment. Mais je refuse d’être considérée comme moins que femme parce que je n’ai pas donné la vie.