J'ai pas d'char. Quand j'ai des courses à faire ou une sortie au programme, Paternel me prête obligeamment son Carosse. Ce matin, donc, petites courses: papier aquarelle, lait, pain, yogourt et tilapia en spicial chez Super C. Le ciel est bleu, il fait beau, je suis de bonne humeur, je circule sur la rue Saint-Georges en chantant avec la radio. J'applique les freins, soudain, parce que juste devant moi un Chevrolet Impala bleu foncé freine aussi, semblant vouloir tourner à droite. Pas de flasheurs, ils devaient être en option, me dis-je, toujours souriante. L'Impala bleu continue sa route, trèèès lentement. Je perds un peu de mon sourire, scandant dans ma tête "enweilles, enweilles, avance, Papi..." Parce que le conducteur de l'Impala bleu est un vieux à chapeau. Les pires. Croisant la rue suivante, l'Impala bleu freine de nouveau, pas de flasheurs, rien, juste un stop. Je vous signale qu'il n'y en avait pas, de stop. Là, je commence sérieusement à pomper. Je vous signale aussi que je suis en SPM. L'Impala bleu repart (si on peut dire ça d'une auto qui roule à cinq kilomètres heures sur la voie publique). Qu'est-ce que Conducteur Perdu fait en croisant la rue suivante ? IL S'ARRÊTE ! Me croyez-vous si je vous dis à quel point j'ai JOUI en klaxonnant intensément ??? Mais pensez-vous que Conducteur Perdu ait entendu ? Que nenni ! Il repart, estie ! Pour faire quoi en croisant la rue suivante ? Bingo ! Non seulement ai-je encore klaxonné, mais les voitures qui me suivaient s'y sont mises aussi: le beau concert ! Qui a semblé (enfin !) réveiller Conducteur Perdu. Qui, comme s'éveillant d'un rêve très profond, s'aperçoit qu'il n'est pas tout seul au monde sur la rue Saint-Georges. Il donne un coup de volant à droite, soudainement, sans regarder nécessairement où il dirigeait son bolide, emboutissant ainsi une voiture stationnée. Légèrement, mais quand même. Danger public. Quand il eut ENFIN dégagé le chemin, je pris quelques bonnes respirations en pestant à voix haute sur les méfaits du grand âge au volant.
Je tourne à gauche au coin de la route Kennedy, puis à droite sur le boulevard de la Rive-Sud, me dirigeant vers la bâtisse qui abrite le magasin de fournitures d'art qui m'exploite en me vendant une tablette de papier 90 livres 9.75$. J'actionne le clignotant (Carosse de Paternel en a, lui), et me range à gauche pour entrer dans le stationnement de l'autre côté du boulevard. Qu'aperçois-je devant moi ??? Quatre petits ronds... d'Impala ! D'un beau beige drabe, celui-là. J'espère secrètement que tous les conducteurs d'Impala ne sont pas manchots. L'Impala beige s'engage dans l'entrée du stationnement, je le suis... et ? IL S'ARRÊTE !!! Oui. DANS l'entrée du stationnement. Je suis coincée là parce qu'une autre voiture attend pour sortir du parking. Le cul du Carosse Paternel dépasse un peu sur le boulevard, une horde de voiture arrive vers moi, dont une grosse méchante vanne, et moi ? Ben je suis bloquée là. Parce que Vieux-Pépère-à-calotte s'est arrêté pour laisser descendre Vieille-Mémère-à-teinture-mauve. DANS L'ENTRÉE DU PARKING ! J'ai giga-klaxonné, j'ai applaudi et criant férocement "Bravo, Braaaaavvoooo !", un air killer dans mes beaux yeux verts, et j'ai tremblé chaque fois que l'arrière du Carosse se déplacait sous l'effet du courant d'air créé par les voitures qui le frôlait. Le pire du pire, c'est que Vieux-Pépère n'a strictement rien vu aller, absolument rien entendu, et est reparti comme si de rien n'était. L'espace d'un instant, j'ai tout compris du phénomène de rage au volant !
Morale de cette histoire: si vous croisez un Impala suivi d'un Plymouth Voyageur... carapatez-vous !