vendredi 25 mai 2007

Un vieux texte...

...auquel j'ai pensé à deux reprises cette semaine. D'abord quand j'ai lu (et beaucoup ri) un des posts de Jeune Homme (quand il raconte leur virée manque-de-bière au dépanneur), et puis quand j'ai parlé des jobbes d'étudiants, ci-bas.
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Ce texte d'humeur (ma spécialité, déjà) a été publié à l'origine dans le journal des étudiants de l'Université Laval, Impact Campus, le 18 mars 1997. Ça s'intitule...
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Merci, et à la prochaine !

Comme beaucoup d’étudiants peu fortunés (quel euphémisme, j’suis pauvre, stie…), je dois travailler pour pouvoir arriver (à quoi au juste, ça je n’en sais foutrement rien). Parmi la panoplie d’emplois offerts aux étudiants, j’ai une jobbe somme toute « populaire » : commis de dépanneur (j'aurais bien voulu être danseuse, c'est plus payant, mais j'ai pas trop le physique de l'emploi...). En neuf ans de présence sur le marché du travail avec le public, j’en suis arrivée à effectuer une certaine catégorisation des clients que l’on peut retrouver dans un commerce de détail, plus particulièrement dans un dépanneur. Notez que ces catégories ne sont pas hermétiques, et que l’on peut (malheureusement) retrouver plusieurs catégories dans un même client.

Il y a d’abord le branleux. Ce type de client ne sait jamais ce qu’il veut, fait le tour du dépanneur deux ou trois fois pour enfin arriver au comptoir avec quelques cossins que je m’empresse d’emballer et de faire payer. Le client vide alors ses poches sur le comptoir, passe un bon cinq minutes à compter sa monnaie (et à faire souffler du nez les cinq clients derrière lui), pour finalement dire : « Coudon, j’en ai pas assez », me sortir un 20$ et remballer sa monnaie. (Y vendent des beaux p'tits cochons chez Zellers, pour ramasser la monnaie, savez pas ?). Particularité : ce client ne se présente jamais au dépanneur quand c’est tranquille, seulement quand il y a plein de monde, ce qui le rend d’autant plus chiant…

On retrouve aussi le chiâleux. Ce client n’est JAMAIS content, peu importe ce que le commis peut faire pour le satisfaire. Ce type de client met en échec toutes les techniques de vente imaginables, et rien ne peut lui arracher ne serait-ce que l’ombre d’un sourire. Il est d’ordinaire d’une avarice peu commune, et agit souvent ainsi : il met de l’essence dans sa voiture, et entre ensuite dans le dépanneur en sacrant.
Lui : &*!%#&%! qu’il est cher le !%%#%&&! de gaz, icitte !
Moi : C’est vrai que l’essence est chère, mais nous sommes au même prix qu’ailleurs, monsieur…
Lui : Compagnie de crosseurs pareil, %&!#!& !
Moi :… (Eille, le comique, c’pas moi qui décide du prix de l’essence, pis si vous êtes pas content, allez donc gazer ailleurs et engueuler quelqu’un d’autre !)

Tous ceux qui ont déjà travaillé dans le public connaissent le type de client suivant : le colleux. Il s’agit souvent d’un client demeurant à proximité du commerce, qui n’a pas grand-chose à faire de son temps, sauf envahir celui des autres. Il vient donc souvent, achète peu et parle beaucoup. Il s’installe au coin café et raconte sa vie au commis, qui la plupart du temps ne l’écoute pas. Je n’ai trouvé qu’un seul moyen de m’en débarrasser (et encore, ça ne fonctionne pas avec les plus tenaces) : appeler une copine (qui est au courant de la technique) et feindre de parler à mon chum… Si jamais vous connaissez d’autres trucs, n’hésitez pas à m’en faire part !

Autre type assez fréquent : le gratteux. Il cherche toujours à payer le moins cher possible pour tout ce qu’il achète, même la bouffe à chat (faudrait que quelqu’un lui dise que c’est pas dans un dépanneur qu’il risque de réaliser les économies du siècle…). Il lui arrive souvent de se rendre dans les réfrigérateurs à bière (qui sont dans le fin fond du dépanneur, dois-je le préciser), et de crier : « La Wildcat est-tu moins chère que la Bud ? Combien ça fait avec les taxes ? Pis la Carling, est-tu moins chère que la Lucky Lager ? Une 24, c’tu moins cher que deux 12 ? » Z’imaginez la scène (et le mal de gorge du caissier) ?

Il existe un autre type de client, très fréquent, que je n’arrive pas à nommer. Tout ce que je sais de lui, c’est qu’il n’a pas de montre, ou s’il en a une, qu’elle n’est pas à l’heure. En effet, il arrive fréquemment le vendredi ou le samedi soir vers 23h30 et il veut absolument acheter son six pack de bière. J’ai beau lui dire et lui répéter poliment qu’il est trop tard, rien à faire. Après 10 minutes de monologue, j’arrive à le faire céder en lui disant qu’il a le choix : prendre sa bière, s’en aller sans payer et avoir la police aux fesses (parce que j’ai noté son numéro de plaque), ou aller gentiment dans la multitude de bars qui se fendent le cul pour en vendre, de la bière. Et lui de repartir en faisant descendre tous les saints du Ciel. Si j’avais le choix, j’en vendrais 24 heures sur 24, de la bière, ça m’éviterait de m’obstiner avec du monde qui comprennent rien…

Vous remarquerez, en terminant, que j’ai volontairement omis de parler des catégories de clients gentils et aimables. Ils sont mes préférés, je n’ai donc rien à déblatérer à leur sujet. Donc, si vous avez envie d’un jeu amusant, observez un commis de dépanneur dans le jus, et essayez d’imaginer ce qui se cache réellement derrière son avenant et professionnel sourire. Et à ceux, qui, comme moi, oeuvrent dans un dépanneur, dites-vous que vous n’êtes pas les seuls à avoir envie de barrer les portes certains soirs...