samedi 17 avril 2010

Ultime billet

J'ai ce billet en tête depuis une éternité.
Je l'avais en tête quand j'ai commencé à bloguer, il y a quelques années.
Je l'ai très souvent commencé, sans jamais arriver à le terminer. Il aura fallu du temps, de la réflexion... et deux personnes pour m'aider à en accoucher, une amie et un homme: l'amie (merci Ketsia !) en me stimulant avec ses judicieuses questions, et l'homme... l'homme en m'inspirant, tout simplement.
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Je le publie aujourd'hui, comme l'ultime billet pour compléter (enfin) ce blogue.
Ça s'appelle...
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Il était une foi
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~ Une amie baptiste très croyante me demandait un jour :
Dirais-tu que tu as un esprit ultra-rationnel et que tu es incapable de croire ou d’être étonnée par les phénomènes paranormaux ? Et si tu peux croire au surnaturel d’une façon ou d’une autre, qu’est-ce qui t’empêche de croire en Dieu ?

~ Je lui répondis :
Très bonnes questions. Je ne dirais pas que je ne crois pas en Dieu, c’est plus complexe que ça… Je ne crois pas en une représentation unique de Dieu, plutôt. Je suis intimement convaincue qu’existe une force, une lumière suprême ou une énergie supérieure. C’est aux religions que je ne crois pas. Il est à mes yeux complètement incongru qu’une religion puisse être «meilleure» qu’une autre, ou qu’une religion ait raison et pas l’autre. Quand on me demande où je me situe, spirituellement parlant, je dis (et je pense être) agnostique. Comme l’agnosticisme «déclare l’absolu inaccessible à l’esprit humain», je me sens davantage concernée par cette proposition que par une quelconque religion. Je ne sais rien, moi, je n’ai de preuves de rien, et ceux qui croient savoir me fascinent et me rebutent à la fois. Pourquoi le catholicisme aurait raison sur l’islam ? Pourquoi le judaïsme aurait des réponses que le bouddhisme n’a pas ? Pourquoi quelqu’un devrait avoir raison ? J’ai foi en quelque chose d’absolu, mais je ne le comprends pas. Je ne suis même pas sûre qu’il soit nécessaire de le comprendre, d’ailleurs.

~ Et elle me répondit :
Et si la religion n’avait aucune raison d’être mais que croire s’agirait de connaître une personne ? Dieu est une personne. Jésus est une personne. Le Saint-Esprit est une personne. Moi je crois en Dieu la personne, non pas en un paquet de doctrines et de principes.

~ Et je continuai…
Eh bien là est toute la différence entre toi et moi, et entre moi et tous les croyants d’une religion, quelle qu’elle soit : tu crois en Jésus. Tu crois en Dieu père de Jésus. D’autres croient en Mahomet ou en Bouddha. Moi pas. Oh, ces personnages historiques ont sans doute existé, mais tout le reste n’est qu’interprétation des humains. Dieu et Jésus sont des réalités concrètes pour toi; pour moi, il s’agit d’une œuvre de fiction typiquement humaine. Il n’y a là rien de mal, dans l’absolu, mais moi je n’y crois pas. Pas plus que je crois en LA Vérité avec un grand V : ça n’existe pas, la vérité. Chacun de nous, de par sa perception intime et unique, fabrique sa propre vérité et y croit dur comme fer. Les religions, en ce sens, sont des théories de vérité qui regroupent des gens qui partagent la même vision.

~ Elle :
Mais si j’ai expérimenté la réalité du Saint-Esprit dans ma vie ? C’est une interprétation d’humains ? Il m’est arrivé des affaires vraiment space, et je connais un paquet de chrétiens qui peuvent en dire autant…

~ Moi :
Ce que tu as expérimenté, c’est le sacré. Puisque ton âme est profondément imprégnée de ta croyance en Dieu, en l’Esprit-Saint et à Jésus, eh bien ton expérience du sacré a pris ce visage-là. Tu sais quoi ? Moi aussi, je l’ai déjà expérimenté, le sacré, et de façon très space merci. Mais… tu sais où ? Dans un show. Un show de Peter Gabriel, en 2003. C’est dire à quel point le sacré peut se trouver partout, et que chacun l’interprète selon ce qu’il est. Nous sommes des récepteurs. Nous sommes un canal. Nous recevons, nous «computons» selon ce que nous avons en nous, et puis ensuite nous transmettons… comme nous le pouvons. Ma vie est remplie de choses et d’événements que je pourrais attribuer à Jésus ou à Dieu… si je croyais en eux. Mais comme je n’y crois pas, entoucas pas sous cette forme-là, je suis davantage portée à penser qu’il s’agit là de ma route, de mon chemin personnel, de mon destin, tout simplement. Toi, tu vas être portée à penser que ton destin est dans les mains de Dieu, alors que moi j’ai plus tendance à croire que nous avons toujours notre libre-arbitre, d’abord, et que s’il y a une puissance qui guide nos vies, c’est une force qui n’a pas de nom. Qui ne se contrôle pas. Et qui se comprend encore moins. Elle est énergie pure, elle est acceptation intégrale, elle est amour inconditionnel. Elle est TOUT. Pour toi, c’est Dieu. Pour moi, c’est ça. La seule différence entre ta foi et la mienne, quand on y pense, c’est que la tienne s’appuie sur une très longue et très vieille tradition historique, faite d’écrits, de témoignages, de prescriptions, de proscriptions, de rituels complexes. Ma foi à moi est de nature plus diffuse, plus globale… mais elle est là. Je crois, donc.

~ Elle :
Que penses-tu de la Bible ?

~ Moi :
Je pense que la Bible était à la base un témoignage des personnes qui ont vu et constaté les faits et gestes du prophète qui s’appelait Jésus. Chaque témoin a raconté les choses telles qu’il les avait vécues (il a «reçu» et il a «transmis») avec tout ce que ça implique d’enthousiasme et de ferveur religieuse. Ferveur qui, tu le sais, peut teinter nos perceptions, voire les orienter carrément. Quant à ce qu’est devenue la Bible, j’ai la nette impression que ce que nous pouvons lire aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec ce qui a été écrit à l’origine, ne serait-ce qu’à cause du biais évident de la traduction. Et je ne parle même pas des passages –ou des livres entiers– qui ont pu être exclus en cours de route, pour une raison ou pour une autre. Et que dire de censeurs de tout acabit ? Au final, c’est ce qu’on fait de la Bible qui m’interroge le plus. En effet, j’ai bien du mal à admettre que des gens, en 2010, basent leurs vies quotidiennes sur des prescriptions qui datent d’une couple de millénaires. J’ai bien du mal à comprendre qu’on prenne de simples mots, probablement trafiqués par le passé, pour en faire des vérités absolues. Je sais, pour l’avoir vécu, que des mots peuvent faire du bien, voire changer des vies, mais je ne peux m’empêcher d’être sceptique devant ces lois supposément divines que veut imposer la Bible. Idem pour le Coran et la Torah, d’ailleurs. J’ai lu la Bible assez souvent et assez longtemps pour être d’avis qu’il s’agit là de la meilleure histoire jamais écrite. Inspirante pour plusieurs (et n’inspirant pas que de jolies choses, au fait, ne pensons qu’aux guerres «saintes»), mais… une simple histoire quand même.

Quant à Jésus… Certes, le personnage historique a existé, c’est documenté. A-t-il dit et fait tout ce qu’on lui attribue ? J’en doute fort. Et ce qui me semble le plus aberrant, c’est que si le même Jésus revenait aujourd’hui, au sein même de l’Église catholique actuelle, en prônant ce qu’il a prôné à l’époque, il passerait probablement pour un inquiétant révolutionnaire hérétique… exactement comme il y a 2000 ans !

Je dirais que ce n’est pas avec la foi que j’ai un problème, mais avec les religions. Ou plutôt, plus précisément : avec ceux qui s’imaginent pratiquer LA religion supérieure à toutes les autres. C’est pas beau, je sais, mais il m’est arrivé, et il m’arrive encore parfois, d’éprouver du mépris envers ceux qui se croient détenteurs de la Vérité. Ce mépris enfle prodigieusement quand ces mêmes croyants «supérieurs» se pensent investis d’une mission divine de conversion des «non sauvés». J’ai horreur qu’on me regarde avec commisération, comme une brebis égarée qui n’a qu’un seul besoin : être sauvée. J’éprouve pour les gens qui ne doutent pas un mélange étrange de mépris, d’envie et de consternation. Je trouve ça presque beau de croire à ce point en quelque chose qui, jusqu’à preuve du contraire, n’existe pas.

Finalement, pour résumer de mon mieux, voici ce que je dirais : plus jeune, plus prime et plus colérique (nettement plus qu’aujourd’hui, imaginez…), j’étais athée. Je refusais l’existence, voire l’idée même de Dieu. C’était impossible : si Dieu existait, pourquoi laissait-il des enfants mourir ? Si Dieu existait, pourquoi les famines, la pauvreté ? Si Dieu existait, pourquoi des catastrophes tuaient des innocents ? Si Dieu existait, pourquoi m’arrivait-il de souffrir autant ? Non. Je refusais d’y croire, tout simplement.

En vieillissant, en avançant, j’en suis arrivée à penser que même si Dieu existait, nous n’étions pas en mesure de comprendre ce que cela impliquait. Devenue agnostique, comme mentionné ci-haut, je me disais que l’idée d’absolu que Dieu représente est inaccessible et hors de portée de nos pauvres esprits sous-développés (ne dit-on pas qu’on n’utilise que 10% de nos capacités mentales ?).

Aujourd’hui, ben… je crois. N’allez pas me demander en qui ou en quoi, parce que je ne le sais pas. Je n’ai pas de nom à donner à ma foi, et… je ne pense pas que cela soit nécessaire. Qu’est-ce que je crois exactement ? Je crois en l’âme, et en son immortalité. Je crois en la réincarnation. Je crois que le corps humain, sa réalité de chair et de sang, est un mode de transport particulièrement évolué pour notre âme en voyage perpétuel. Je crois que chacun de nous s’incarne encore et encore pour avancer, pour apprendre, pour devenir meilleur.

Imaginons que cette idée est vraie. On jase, là. Prenons moi, par exemple. Disons qu’avant de me plonger dans cette vie-ci, mon âme s’est dit : «Tiens, il faudrait vraiment que je règle une fois pour toute cette problématique de dépendance que je traîne depuis plusieurs vies.» Disons que, par on ne sait quel moyen, je m’arrange pour me dessiner une épopée qui sera consacrée à la dépendance, si on peut dire. Ben vue sous cet angle, ma vie prend un tout autre sens : j’ai flirté avec tous les visages de la dépendance, à plus ou moins fortes doses, et j’ai réussi à me libérer de chacune de ces dépendances, une par une, dans la douleur et la souffrance (qui me semblaient tellement inexplicables), à chaque fois. Mais j’ai réussi. À chaque fois. Il ne m’en reste qu’une, la pire, la plus perverse, la plus insidieuse, mais je suis confiante de la vaincre elle aussi… un jour.

Oh, je n’érige pas ces idées en vérités, loin de là. Je les prends comme des hypothèses de travail. Des hypothèses vachement fécondes, de par leur potentiel explicatif. Prenons un autre exemple, n’importe lequel… disons un couple dont les deux jeunes enfants meurent dans un accident. Terrible ? Incompréhensible ? Injuste ? Oui, dans un sens. Mais imaginons que ces parents, avant de s’incarner, aient convenu qu’ils devaient tenter de «régler» une problématique de deuil irrésolu… Et qu’avant de s’incarner, ils aient conclu un genre de «pacte» avec des âmes amies, pour qu’ils incarnent leurs enfants pendant quelques courtes années, avant de les quitter brusquement…

Je sais, ça peut paraître insensé, voire délirant. Au même titre que certaines pratiques religieuses m’apparaissent, à moi, délirantes. La différence, c’est que je n’adhère et n’adhérerai jamais à aucune religion. Que je refuse qu’on me dicte ce que j’ai à faire. Que je ne ressens pas le besoin de partager ma foi avec un groupe, ni de participer à des rituels rattachés à cette foi. J’aime ces idées en tant qu’hypothèses. C’est le propre des hypothèses, d’ailleurs, de tenter d’expliquer l’inexplicable, généralement. Ce que je sais, moi, c’est que je trouve ces perspectives séduisantes, et qu’elles m’aident à mieux vivre. Je crois que rien d’autre ne compte, en définitive, peu importe ce en quoi l’on croit.